L’histoire du Kinbaku
Le terme shibari (縛り) signifie « attaché, lié ». Il est utilisé au Japon pour décrire l’art de ficeler les colis. Il est plus juste de parler de kinbaku (緊縛) qui signifie« lié de manière serrée » pour parler de bondage ou d’attache de personnes.
Si l’histoire du kinbaku est récente, elle s’inscrit néanmoins dans une histoire ancienne faite de traditions.
Les cordes font partie de la culture japonaise depuis plusieurs centaines d’années voire millénaires que ce soit à travers les poteries à la cordée, la représentation du dieu Fudoumyo avec une corde à la main ou les shimenawa qui sont des cordes tressées sacrées disposées à l’entrée des temples shintoïstes.
Les premiers usages de la corde pour attacher des personnes remontent aux samouraïs qui s’en servaient pour capturer des ennemis. Cet art martial a été perfectionné et codifié pour devenir l’hojōjutsu (捕縄術). L’attache, faite avec une corde courte et plutôt fine devait être rapide, efficace quitte à blesser l’adversaire. Dans un second temps, le prisonnier était ensuite conduit vers le cachot ou les supplices. Il faisait l’objet d’une nouvelle attache qui permettait de lire quelle était sa classe sociale et le crime qu’il avait commis. Le sexe, l’âge et la profession de la victime étaient, de même, déterminants pour les techniques de ligotage utilisées.

L’attache devait répondre à quatre règles :
- Le prisonnier ne doit pas pouvoir se détacher.
- Le ligotage ne doit entraîner ni dommage physique ni dommage mental.
- La technique avec laquelle le prisonnier est attaché doit rester secrète. Donc pas de témoin.
- Le ligotage doit être esthétique.

L’ère des samouraïs cessant, cette pratique est tombée en désuétude.
Néanmoins le théâtre kabuki reproduisait ces histoires de batailles, de prisonniers. Les acteurs kabuki ont donc développé une façon d’attacher qui ressemblait à celle de l’hojōjutsu tout en évitant les figures blessantes ( par ex. noeuds coulants, cordes autour du cou ou sur des articulations, etc.).
L’imaginaire de la contrainte par les cordes s’est aussi perpétué à travers les shunga, des gravures ou estampes érotiques. Le travail de Tsukioka Yoshitoshi est à souligner.

Passionné de kabuki et de la période Edo, Ito Seiu, un disciple de Yoshitoshi, mène à partir de 1908 des recherches sur l’hojōjutsu et contribue à restaurer cette discipline. Il affrontera la censure dans les années 30, perdra ses oeuvres durant les bombardements de Tokyo de 1945 avant d’être enfin reconnu dans les années 60. Il est considéré aujourd’hui comme le père du kinbaku moderne.
Dès les années 50, le kinbaku se popularisera massivement au Japon à travers des publications comme Kitan Club avec notamment « Ten Naked Tied Woman » de Kita Reikou qui fut un déclic pour cette revue ou Yomikiri Romance.
Parallèlement les oeuvres de John Willie ou Irving Klaw popularisent outre-atlantique cette imagerie.
Depuis de multiples générations de nawashi (ou artistes de la corde) comme Noboyushi Araki, Arisue Go, Eikichi Osada ou Akira Naka ont développé cet art au Japon d’abord et dans l’ensemble du monde aujourd’hui. Cette discipline esthétique et sensuelle permet de magnifier les corps, d’offrir des sensations, et de partager des émotions.
C’est cette histoire que nous vous proposons de prolonger ensemble avec Lyon Shibari…